ENTRE OPÉRA ET SALON : UN PORTRAIT DU PARIS MUSICAL AU DÉBUT DU XIXE SIÈCLE
(extrait du livret – Luca Montebugnoli) Quand, il y a plus de trois ans, nous avons commencé à travailler sur le projet musical qui a donné naissance à ce disque, nous sommes partis de deux objets historiques : un opéra, Les Mystères d’Isis, créé à l’Opéra de Paris durant l’été 1801, et un piano carré français d’Érard Frères daté de 1806, qui venait juste d’être restauré. Ces deux « artefacts », l’un comme l’autre, nous ont servi de clé d’accès à la découverte de la culture musicale française de l’époque, comprise entre la fin de la période révolutionnaire et le Premier Empire, dont la production musicale reste encore largement méconnue. Le programme de cet album s’est ainsi dessiné au fur et à mesure que nous plongions dans la découverte de cet opéra et du contexte historique et esthétique qui l’entoure, et que nous explorions les qualités sonores et expressives du piano ainsi que le répertoire qui y est associé. (…) Au salon, autour d’un piano (…) Pour que ce travail d’imagination et de recréation se fasse dans les meilleures conditions, nous avons choisi d’enregistrer ce disque dans un salon historique : celui, splendide, du Château de la Petite Malmaison, construit entre 1803 et 1805 par volonté de l’impératrice Joséphine de Beauharnais, première femme de Napoléon, à quelques pas de sa résidence privée, le Château de Malmaison. (…)
Au centre de cet espace, nous avons placé le pianoforte carré d’Érard Frères de 1806. En ce début de siècle le piano carré est en effet le modèle par excellence de la facture pianistique française et une présence incontournable dans tout salon musical, davantage que le piano à queue, dit « en forme de clavecin », encore rare à Paris. Avec ses caractéristiques mécaniques et acoustiques, dont ses registres actionnés par ses quatre pédales (luth, levée des étouffoirs, voix céleste et basson), il constitue l’outil indispensable pour reconstruire l’univers sonore de l’époque, délicat certes, mais riche en couleurs et en nuances. Autour du piano se sont disposés les musiciens de l’ensemble instrumental : un flûtiste, un violoniste, une violoncelliste, jouant sur des instruments historiques, et, naturellement, deux chanteurs, une soprane et un ténor, le chant représentant l’âme du salon musical. (…) Un travail d’arrangeurs Le montage de ce programme complexe a été rendu possible par un grand travail d’arrangement. Si le salon sert de lieu de métissage entre cultures et genres différents, il le doit au fait que tout répertoire fait constamment l’objet d’adaptations, voire de véritables réécritures, pour le rendre jouable selon les conditions données : nombre de musiciens, instruments disponibles, disposition des espaces, etc. L’art de l’arrangement est alors une compétence que tout musicien doit maîtriser s’il veut faire carrière dans les salons musicaux. Aujourd’hui, il consiste en une pratique, longtemps oubliée, qu’il faut se réapproprier si l’on veut reconstruire l’expérience de la musique de l’époque. (…) Parti de l’histoire d’un Mozart mystérieux, musicien inconnu dont on ne découvre en France l’œuvre foisonnante que dix ans après sa mort et en l’interprétant selon le goût musical du temps, ce disque a fini par s’intéresser à un autre mystère, celui de la culture musicale française du début du XIXe siècle. Longtemps restée exclue du canon musical occidental, cachée par l’omniprésence des musiques allemande et viennoise, celle-ci se dévoile riche et complexe, au carrefour d’influences et styles différents. En essayant d’en restituer une image étendue, quoique nécessairement sélective, nous espérons pouvoir contribuer à sa redécouverte et à sa réappropriation. |
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